Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la plupart des enfants ne disposent pas d’un socle solide d’aptitudes de base. Malgré une amélioration de l’accès à l’école, on estime que 70 % des enfants de 10 ans sont incapables de lire et comprendre un texte simple. Pour s’attaquer à la pauvreté des apprentissages, les programmes pilotes ne suffisent pas ; il faut des solutions systémiques susceptibles d’être mises en œuvre à grande échelle.
Les systèmes éducatifs peinent à produire des résultats significatifs, même s’ils savent ce qui améliore le socle d’aptitudes de base à petite échelle. La difficulté n’est pas seulement de savoir quoi faire, il faut aussi savoir comment le faire à grande échelle, de manière durable et efficace.

Six principes pour renforcer ce qui fonctionne
Un nouveau guide élaboré par l’équipe Éducation de la Banque mondiale pour l’Asie du Sud (a) définit six principes destinés à renforcer les interventions visant à réduire la pauvreté des apprentissages. Ces principes, synthétisés par l’acronyme anglais SUCCESS (pour vision stratégique, planification à grande échelle, éléments fondamentaux, collaboration, données probantes et durabilité), s’appuient sur des données mondiales, des connaissances opérationnelles et la science de la mise en œuvre.
La mise à l’échelle n’est pas une étape technique qui intervient après un projet pilote. Elle doit être intégrée dès le départ dans l’ADN de la conception des interventions et du dialogue sur les politiques.

  1. Partir d’une vision stratégique
    La mise à l’échelle commence par une vision claire et partagée : Qui est notre cœur de cible ?
    Quels systèmes permettront de mettre en œuvre l’intervention à grande échelle ? Comment mesurer la réussite ? Et quels systèmes seront nécessaires pour mettre en œuvre l’intervention à grande échelle ? Une vision stratégique suppose d’anticiper les compromis entre rapidité et qualité, ou entre ambition et faisabilité, et d’aligner les parties prenantes autour d’une feuille de route réaliste pour la mise à l’échelle. Il est essentiel que cette vision soit ancrée dès le départ dans le contexte local et les réalités institutionnelles.
  2. Planifier à grande échelle, pas seulement pour un projet pilote
    Un projet pilote solide ne suffit pas à lui seul pour passer à l’échelle supérieure. Pour cela, il
    faut une planification volontaire tenant compte du soutien politique, des réalités budgétaires,
    des goulets d’étranglement, des mécanismes de mise en œuvre et des risques potentiels. Cela
    suppose notamment d’intégrer l’intervention dans les politiques, de planifier les rôles
    institutionnels et de déterminer les changements systémiques nécessaires, tels que des
    réformes de la règlementation ou le renforcement des capacités. Une réflexion systémique
    permet d’éviter les projets pilotes qui fonctionnent bien de manière isolée, mais qui échouent
    lorsqu’ils sont transposés à plus grande échelle.
  3. Définir et hiérarchiser les éléments fondamentaux
    Toutes les composantes d’un projet pilote réussi ne peuvent ni ne doivent être reproduites à
    grande échelle. La clé consiste à définir un « ensemble de base » simple et efficace, c’est-à-
    dire l’ensemble minimal de composantes indispensables pour obtenir des résultats. Cela peut
    inclure un nombre minimal de sessions de formation, des outils pédagogiques simples ou des
    modalités de mise en œuvre adaptables, ou encore des routines essentielles en matière de
    données. Concevoir en tenant compte de la mise à l’échelle signifie faire la distinction entre
    ce qui est souhaitable et ce qui est indispensable pour obtenir un impact, puis développer ce
    qui importe le plus.
  4. Mobiliser les bons acteurs en vue d’une collaboration
    La mise à l’échelle est un effort collectif. Dès le départ, il convient d’associer les acteurs qui
    mettront en œuvre l’intervention, l’adapteront, la financeront et la soutiendront. Il s’agit
    notamment des responsables gouvernementaux, des administrateurs locaux, des enseignants,
    des groupes communautaires et des partenaires de développement. Avec une appropriation à
    grande échelle et une définition claire des rôles, la mise en œuvre sera plus fluide,
    l’alignement plus fort et la continuité à plus long terme.
  5. Utiliser les données pour s’adapter et évoluer
    La mise à l’échelle n’est pas linéaire. Elle suppose un processus d’itération, la prise de
    décisions basées sur des données en temps réel, la capacité à tirer des leçons de ce qui
    fonctionne (et de ce qui ne fonctionne pas) et à rectifier le tir si nécessaire. Le suivi doit
    permettre de mesurer non seulement les résultats, mais aussi la manière dont la mise en œuvre
    se déroule dans différents contextes. Les systèmes de collecte de données et de retour
    d’information doivent eux-mêmes être évolutifs et intégrés dans les processus
    gouvernementaux, et non créés uniquement pour des projets, de sorte qu’ils puissent
    contribuer à des améliorations durables.
  1. Concevoir pour la durabilité dès le départ
    La mise à l’échelle nécessite un financement durable qui dépasse le cadre des cycles de
    projets individuels. Pour ce faire, il faut choisir des interventions qui présentent un bon
    rapport coût-efficacité, rationaliser les modèles de mise en œuvre, intégrer la mise en œuvre
    dans des systèmes réguliers et planifier dès le départ des mécanismes de financement à long terme. L’innovation peut jouer un rôle clé pour réduire les coûts, améliorer l’efficacité et mobiliser des ressources à long terme, par exemple grâce à des outils numériques, des approches de mise en œuvre simplifiées ou des modèles de financement créatifs tels que les échanges dette contre éducation. La durabilité nécessite en outre de prêter attention aux incitations, aux dispositifs institutionnels et à la capacité à maintenir la dynamique une fois que le soutien externe aura pris fin. La mise à l’échelle consiste à incorporer les projets pilotes et les projets d’exécution dans les politiques et à intégrer l’innovation dans les systèmes.

Incorporer les projets pilotes dans les politiques
Ces principes permettent déjà aux équipes gouvernementales et aux partenaires de développement de passer de succès ponctuels à des changements systémiques et évolutifs, comme le montrent les études de cas présentées dans le guide. Ils offrent une feuille de route pratique pour intégrer l’évolutivité dans la conception des projets, le dialogue sur les politiques et le soutien à la mise en œuvre.

La mise à l’échelle n’est pas seulement une question d’expansion, elle consiste également à intégrer des interventions dans les systèmes et à opérer une transformation. Les six principes SUCCESS proposent une feuille de route pratique permettant de concevoir des projets en tenant compte de leur mise à l’échelle, de s’adapter pendant la mise en œuvre et de planifier la durabilité au-delà du cycle du projet. Lorsqu’elle est bien menée, la mise à l’échelle apporte des résultats durables pour les enfants et renforce les systèmes qui leur sont destinés. (Source Banque Mondiale).

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