La criminalité environnementale opère souvent à l’échelle transnationale, et le combat doit être mené au même niveau. Il y a dix ans, 46 pays ont signé la déclaration de Londres sur le commerce illégal des espèces sauvages, une étape importante dans la coopération mondiale pour la conservation de la faune sauvage. Ces pays se sont engagés à renforcer les lois contre le braconnage et à faire reculer la demande de produits issus d’espèces sauvages en modifiant les comportements et en adoptant une législation qui criminalise l’importation ou l’utilisation d’espèces vendues illégalement. Consciente des risques de surexploitation, la déclaration appelait également à une utilisation durable, licite et traçable des espèces sauvages. Elle est venue compléter les dispositions de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), qui avait ouvert la voie à une riposte coordonnée — depuis l’offre jusqu’à la demande — grâce à de solides partenariats entre les organismes chargés de l’application de la loi, le secteur privé et les populations concernées.

Ce cadre favorable a encouragé l’adoption par les pays de politiques et de mesures coercitives visant tous les maillons de la chaîne du trafic, ces actions s’accompagnant de la mise en place d’institutions publiques mieux dotées en ressources et soutenues par la société civile et les organisations communautaires. La création du Programme mondial pour la vie sauvage illustre les bienfaits de cette coopération. Doté de 365 millions de dollars et financé par le Fonds pour l’environnement mondial (GEF), ce programme est mis en œuvre dans 38 pays. Il a pour objectif d’aider les pouvoirs publics à renforcer un développement économique fondé sur la vie sauvage, à éliminer la criminalité liée aux espèces sauvages et à favoriser la coexistence entre l’être humain et la faune sauvage. Grâce à ce programme, les mesures anti-braconnage ont été renforcées dans près d’une centaine de sites essentiels pour la biodiversité mondiale. Des éléphants du désert au Mali aux tigres et rhinocéros de l’écosystème du Leuser sur l’île indonésienne de Sumatra, on observe déjà une réduction du braconnage dans 20 de ces sites. Ainsi, en Éthiopie, grâce à l’amélioration des capacités de contrôle et de répression, 90 % des affaires de commerce illégal d’espèces sauvages portées devant les tribunaux du pays aboutissent désormais à des condamnations assorties de peines appropriées. En Thaïlande, des initiatives visant à modifier les comportements ont permis de réduire de 30 % l’intention des consommateurs d’acheter de l’ivoire et des amulettes à base de peau de tigre.

La lutte contre la criminalité liée à la faune sauvage passe aussi par l’utilisation de techniques nouvelles et anciennes. Par exemple, au Viet Nam , les technologies numériques permettent aux responsables de zones protégées de mieux surveiller, patrouiller et signaler les cas de braconnage et les autres menaces directes qui pèsent sur la biodiversité. En République du Congo, des chiens renifleurs spécialisés peuvent désormais détecter les produits illégaux issus de la faune sauvage, tandis qu’au Gabon, le Groupe de la Banque mondiale a contribué à financer le premier centre d’analyse génétique de la faune sauvage en Afrique centrale qui permet d’identifier la provenance de l’ivoire. Les gardes forestiers, lorsqu’ils sont dotés de protections adéquates, d’équipements adaptés et d’un encadrement coopératif, restent le principal moyen de prendre les criminels sur le fait et, mieux encore, de les dissuader de passer à l’acte.

Ces succès s’accompagnent toutefois de nouveaux défis. La résurgence des populations d’animaux sauvages a des conséquences pour les humains. Selon 73 % des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête menée par le Programme mondial pour la vie sauvage, les conflits entre l’homme et l’animal sont en hausse dans leur pays et, dans les pays à faible revenu, ils menacent la sécurité alimentaire et, souvent, la vie des habitants. Dans le sud du Panama, par exemple, l’augmentation de la population de jaguars met en danger le bétail. Ici aussi, des technologies anciennes et nouvelles sont mises à contribution. Elles permettent de protéger le bétail en suivant les habitudes migratoires des jaguars et en établissant les habitudes de pâturage. L’installation de clôtures et d’alarmes est également utile, comme on l’a observé dans la région de l’Himalaya, en Inde, où des systèmes d’alarme dissuasifs ont permis de réduire de 50 à 75 % les pertes agricoles dues aux moutons bleus. La mise en place de systèmes d’assurance, qui servent de filets de sécurité pour compenser les pertes de récoltes ou de bétail, peut également être une option de dernier recours, mais elle joue un rôle de plus en plus important car nous partageons les mêmes espaces que les espèces sauvages.

En fin de compte, rien ne saurait mieux faire reculer la criminalité liée aux espèces sauvages et éviter le risque d’une hausse des conflits entre l’homme et l’animal qu’une économie légale et florissante.  En Zambie, où 40 % des terres bénéficient d’une protection, les voyages et le tourisme procurent 7,2 % des emplois et 7 % des revenus de la population. Deux parcs nationaux fournissent à eux seuls plus de 35 000 emplois. Lorsque la faune sauvage crée des emplois et contribue aux revenus, cela incite les communautés locales et les pouvoirs publics à en améliorer la gestion et la conservation, au profit de tous. Au Gabon, l’ouverture exclusive d’un centre génétique permettra d’identifier la provenance de l’ivoire. 

Notre mission est de mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable. Rien n’illustre mieux cette mission que la présence d’animaux sauvages en bonne santé, à la fois porteuse d’emplois et incarnation d’une nature préservée. (Source : Banque Mondiale).

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