Environ 250 millions de petits agriculteurs africains qui exploitent des parcelles de moins d’un hectare jouent un rôle capital dans le maintien de l’approvisionnement alimentaire du continent, en produisant près de 70 % de la nourriture. La population africaine devrait atteindre 2,5 milliards d’individus d’ici 2050, il est donc urgent de renforcer leur capacité à produire des aliments nutritifs pour répondre à une demande grandissante. Pour le développement socioéconomique général de l’Afrique, il est essentiel que l’agriculture puisse s’adapter et devenir plus résiliente face aux changements climatiques et c’est une priorité stratégique pour les gouvernements africains, les organisations régionales du continent et l’Union africaine.
La science et l’innovation agricoles, en tant que véritables biens publics, doivent être au premier plan du programme de développement de l’Afrique. Les technologies numériques peuvent également jouer un rôle essentiel pour pallier les lacunes des services de vulgarisation existants et répondre à l’évolution des besoins des agriculteurs. Ces technologies offrent des solutions précieuses pour améliorer la productivité de la main-d’œuvre et des terres et permettent de suivre en temps réel les risques climatiques, ce qui favorise l’adoption de mesures proactives pour renforcer la résilience.
À ce jour cependant, trop peu de progrès ont été accomplis pour atteindre le plein potentiel des systèmes nationaux de recherche agricole en Afrique qui promeuvent la collaboration entre organismes publics et privés, assurant souvent le rôle de chefs de file dans la recherche agronomique au service du développement.
Nous connaissons grâce à cinq décennies d’études et d’innovations menées par le plus grand groupe de recherche sur la sécurité alimentaire au monde, le CGIAR (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale), les innovations et les solutions « climato-intelligentes » utiles aux petits exploitants agricoles.
La stratégie 2030 du CGIAR est axée sur la transformation des systèmes alimentaires, fonciers et hydriques dans un contexte de crise climatique, et le CGIAR joue déjà un rôle essentiel dans le renforcement de l’architecture de la recherche agricole en Afrique.
Il est néanmoins possible d’aller plus loin pour faire le lien entre la science, la politique et l’action et il faut accélérer le transfert des innovations du CGIAR de ses laboratoires vers les champs, pour les mettre entre les mains des agriculteurs.
Une nouvelle approche pour déployer les innovations du CGIAR
Le Groupe de la Banque mondiale explore des pistes novatrices pour renforcer son soutien au CGIAR et à ses partenaires, et faciliter le déploiement d’innovations scientifiquement étayées et validées à une échelle plus vaste et plus ambitieuse.
Auparavant, le financement de l’intensification des collaborations entre les centres du CGIAR reposait principalement sur les contributions de donateurs internationaux, tandis que les programmes régionaux et nationaux de l’Afrique étaient souvent financés par les budgets des pays.
A la suite du sommet Action Climat des Nations Unies en 2019, le Groupe de la Banque mondiale a approuvé un financement de 60 millions de dollars au profit du projet AICCRA (Accélérer l’impact de la recherche climatique du CGIAR pour l’Afrique), par l’intermédiaire de son Association internationale de développement (IDA).
Le but était de renforcer les liens entre les scientifiques et les chercheurs du CGIAR et les producteurs de denrées alimentaires, les décideurs politiques, les dirigeants du secteur privé, les responsables communautaires, les médias et d’autres parties prenantes essentielles à la transformation de l’agriculture africaine.
Et à ce jour, l’initiative est fructueuse.
« Notre priorité doit être d’accélérer le déploiement et la généralisation de solutions à l’efficacité déjà éprouvée pour renforcer la sécurité alimentaire », affirme Abdou Tenkouano, directeur du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), l’un des nombreux partenaires nationaux, régionaux et continentaux (a) d’Afrique soutenus par l’AICCRA.
Le projet a touché près de trois millions d’agriculteurs jusqu’à présent et montré comment travailler avec un ensemble de partenaires pour développer une agriculture climato-intelligente, en exploitant les technologies, les outils et la formation nécessaires pour développer l’innovation — y compris le recours à des émissions de télévision.
Au Mali, plus de 100 000 riziculteurs ont amélioré leurs rendements (+ 0,9 tonne par hectare) et leurs bénéfices (+ 320 dollars par hectare) tout en appliquant les fertilisants de manière plus efficace. Ces résultats sont le fruit de la combinaison de variétés de riz à cycle court, de services de mécanisation et d’une application Android intitulée RiceAdvice, qui fournit aux agriculteurs des informations climatiques propres à leur exploitation et pertinentes au niveau local.
Des formations dispensées à l’échelle régionale par l’AICCRA ont étendu l’accès à NextGen, un système de prévisions météorologiques saisonnières de pointe utilisé dans 17 pays par les centres climatiques régionaux qui couvrent l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est. Ce faisant, elles contribuent à l’objectif de l’AICCRA d’étendre à tous les agriculteurs des services de conseil basés sur des informations climatiques de haute qualité.
L’AICCRA s’est associé à 16 universités africaines pour qu’elles intègrent l’agriculture climato-intelligente et les services d’information climatique tels que NextGen dans le contenu de leurs programmes d’études, en veillant à ce qu’une fois déployées, ces innovations soient durablement utilisées et favorisent l’émergence d’une nouvelle génération de prévisionnistes du climat.
L’approche de l’AICCRA remédie à ce que beaucoup considèrent comme le chaînon manquant entre la science, la technologie et l’innovation d’une part, et une action climatique viable et durable d’autre part, en particulier lorsqu’elle est déployée à grande échelle afin de relever des défis économiques et sociaux complexes.
L’AICCRA a réalisé d’importants progrès dans l’établissement de relations de confiance et de collaboration avec les secteurs public et privé — et surtout avec les communautés agricoles —, favorisant ainsi l’application des ressources scientifiques du CGIAR dans les politiques et les pratiques.
Ce projet permet de consolider les fondements scientifiques qui orientent les investissements des gouvernements africains dans l’adaptation au changement climatique, tout en fournissant un schéma directeur pour l’engagement du CGIAR aux côtés de ses partenaires africains, alors même que ce dernier entreprend une transformation ambitieuse.
Au moment où nous espérons qu’un nouvel « objectif mondial d’adaptation » sera adopté par la communauté internationale cette année, l’action de l’AICCRA permet également de tirer des enseignements qui peuvent s’appliquer bien au-delà de l’Afrique. (Source Banque Mondiale)