La disparition progressive de certaines langues, en particulier de langues autochtones, est liée, dans la pratique, à la discrimination dont elles ont fait l’objet et à la situation de vulnérabilité des locuteurs dont l’emploi effectif de leur propre langue dépend au quotidien de leur situation socioculturelle, économique, politique, environnementale et démographique.                          

L’Atlas de l’UNESCO des langues en danger indique que 40 % d’entre elles sont menacées. Dans ce contexte, les Nations Unies ont déclaré l’année 2019 l’Année internationale des langues autochtones, afin de sensibiliser le public, non seulement au profit des personnes parlant ces langues, mais aussi pour que d’autres personnes réalisent leur importante contribution à la diversité culturelle mondiale.

L’année 2022 marque le début de la Décennie internationale des langues autochtones, 2022 – 2032. Dans ce contexte, l’Atlas mondial des langues de l’UNESCO, dévoilé en novembre 2022, constitue un instrument en ligne complet qui permet de surveiller la diversité linguistique dans le monde grâce à des indicateurs multidimensionnels, d’effectuer un suivi des langues en danger et de promouvoir le multilinguisme.

S’appuyant sur le plan d’action de la décennie internationale des langues autochtones, l’UNESCO à travers son Bureau à Libreville a porté, avec la Commission nationale gabonaise pour l’UNESCO, le Laboratoire « Langues, Culture et Cognition » et la Chaire UNESCO-Réseau Bantuphonie Langues en danger, savoirs endogènes et Biodiversité de l’Université Omar Bongo de Libreville, un projet de sauvegarde et de valorisation de deux langues autochtones au Gabon, le Koya (Nord-est) et le Baka (Nord).

En juin 2023, une enquête ethnographique a été menée à Minvoul, pour le Baka (Bitouga, Doumassi, Elarmitang) et à Mékambo pour les Koya (Malondo, Imbong, Ibeya et Zoula). Expressions courantes, des termes pour le lexique de base, lexique culturel ont été collectés. Des capsules ont été produites pour diffusion pour les réseaux sociaux et télévision.

Zone de Texte: Des enfants Koya, à Malondo, Mékambo. © UNESCO Libreville / Jean Eude NGOUADONO
En 2006, le Bureau multipays de l’UNESCO à Libreville publiait l’ouvrage le « Lexique du koya » pour contribuer à la sauvegarde de cette langue autochtone. 

L’approche ethnographique a permis comprendre de manière holistique la vie, la langue et la culture des deux communautés. Cette démarche a été guidée par une profonde reconnaissance de la particularité de ces groupes ethniques, de leurs pratiques culturelles et de la vulnérabilité de leur langue. Une trentaine d’interlocuteurs dont les âges oscillent entre 20 et 32 ans pour les femmes et 45 à 60 ans chez les hommes ont été mobilisés.

Les outils de collecte de données utilisés comprenaient des élicitations linguistiques, des entretiens semi-directifs, et des observations directes. Les élicitations linguistiques ont permis aux membres des communautés Baka et Koya de partager librement leurs connaissances linguistiques et culturelles, tout en favorisant des discussions ouvertes et authentiques.

Des sujets tels que les parties du corps, les verbes, les objets de maison, la numération, le réparage dans le temps et l’espace, les salutations/formules de politesse, terminologie de parente, termes d’adresse, l’expression des émotions, les couleurs, les éléments de la nature, les aliments quotidiens, les ustensiles, les adjectifs, superlatifs, comparatifs ont été abordés.

Un instantané d’une réunion à Minvoul. © UNESCO Libreville / Jean Eude NGOUADONO

Les Baka du Gabon font partie d’un continuum culturel incluant d’autres composantes de peuples assimilés au groupe pygmée, tels que les Aka, les Mbuti, les Twa, les Efe, les Asua, les Koya, les Bongo et bien d’autres évoluant dans le bassin du Congo. Ils sont à cheval entre plusieurs pays d’Afrique centrale, notamment au Sud Cameroun et dans le nord Gabon. Paulin (2010) nous dit que les *Baakaa parlaient une langue distincte de celle des locuteurs bantu ou encore oubanguien. Elle s’appuie sur l’existence de plusieurs lexèmes non répertoriés dans ces deux langues.

Les régions où vivent et évoluent les Baka se situent essentiellement au nord du Gabon, non loin de la frontière camerounaise, et au nord-est, proche du Congo. Cette zone est, bien évidemment, recouverte par la forêt. La route longeant cette vaste zone forestière descend de

Minvoul à Mitzic, puis bifurque à l’est au-delà de Mékambo, via Makokou.

Les Baka occupent une série de villages situés dans la localité de Minvoul, où ils cohabitent avec des peuples bantuphones tels que les Fang avec lesquels ils entretiennent d’ailleurs des rapports verticaux. On les retrouve notamment dans trois principaux villages à savoir Bitouga, Doumassi et Esseng-Elarmitang à Minvoul.

Un instantané d’une réunion à Minvoul. © UNESCO Libreville / Jean Eude NGOUADONO

Les Bakoya se concentrent dans dans la province de l’Ogooué-Ivindo, plus précisément à l’est de la région de Mékambo (département de la Zadié). La province de l’Ogooué-Ivindo se situe elle-même non loin de la frontière congolaise (nord-ouest du Congo- Brazzaville).

Une des caractéristiques des communautés Baka et Koya est qu’elles habitent souvent assez loin des centres urbains et des centres de décisions ; elles sont relativement marginalisées dans la mesure où on les rencontre dans des zones assez reculées qui se situent non seulement loin de la capitale du pays, Libreville, mais aussi loin des centres urbains provinciaux ou régionaux.

Cuisine de plein air, Mékambo. © UNESCO Libreville / Jean Eude NGOUADONO


Les abandons scolaires semblent se produire surtout entre le mois d’octobre et le mois de janvier, comme c’est souvent dans la région de Minvoul. Par ailleurs, certains enfants ont du mal à aller à l’école parce qu’ils ne disposent pas d’actes de naissance. D’autres au contraire parviennent à s’inscrire quand bien même ils n’ont pas d’acte de naissance. Mais ces enfants ont souvent du mal à entrer dans le cycle du secondaire justement à cause du défaut d’acte de naissance.

La relation bantu/pygmée a tendance à se normaliser alors qu’elle était plus complexe dans le passé. Cependant les discriminations n’ont pas disparu mais le phénomène aurait tendance à s’atténuer dans la région, compte tenu du commerce qui les lie sur le plan thérapeutique, agricole, spirituel et matrimonial. En cas de différends, le mot pygmées devient une insulte. 

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