De retour de Charm el Cheikh, Tanguy GAHOUMA, Secrétaire Permanent au Conseil National Climat, nous partage notamment les retombées de la COP27 pour les pays africains.

La COP27 vient de s’achever à Charm el Cheikh, en Égypte. Quelles en sont les principales retombées pour les pays africains ?

La COP27, surnommée « la COP africaine », a succédé à la Semaine africaine du climat, tenue à Libreville, en passant par la Pré-COP27 en République Démocratique du Congo. L’Afrique a donc su préparer sa participation à cette 27ème COP avec des positions fortement renforcées.

À savoir qu’en matière de négociations climatiques, les pays africains, comme on le sait, faibles émetteurs mondiaux, ont des priorités relatives à leurs réalités. Ces priorités concernent notamment l’adaptation et l’atténuation aux changements climatiques, le financement et les pertes et dommages pour ne citer que ces dernières.

Les priorités des pays africains relatives à l’adaptation relevées cette année, ont porté sur l’appel à une augmentation significative du financement de l’adaptation, afin d’atteindre l’objectif mondial en matière d’adaptation « the Global Goal on Adaptation ».

Cet objectif a été fixé dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat (AP- [objectif: contenir d’ici 2100 le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C]) et vise à catalyser l’action collective pour répondre aux enjeux de l’adaptation au changement climatique.

Sur l’atténuation, les pays africains ont rappelé le besoin urgent du soutien international pour la mise en œuvre des parties conditionnelles des Contributions Déterminées au niveau national (CDN [communications indiquant les efforts d’atténuation, de réduction et d’adaptation au niveau national, en vue de l’atteinte des objectifs de l’AP.]) des pays africains.

Concernant le financement, les pays africains ont souhaité incessamment qu’il y ait un équilibre entre le financement de l’atténuation et de l’adaptation.

Sur ce point en particulier, le défi majeur pour les pays africains et pour d’autres pays en développement, est d’accéder à des financements nouveaux, évolutifs et prévisibles pour la lutte contre le changement climatique, avec des conditions qui n’exacerbent pas davantage la crise liée à leur dette.

À cela, l’Afrique a maintenu que les pays développés devaient et doivent respecter leurs obligations financières et accélérer la mise à disposition des 100 milliards de dollars américains par an, conformément à leur promesse faite à Copenhague en 2009, notamment en comblant le déficit de financement et en augmentant leur ambition pour l’avenir.

Sur les pertes et dommages, le principal point de désaccord était un appel à la création d’un nouveau mécanisme de financement avec des ressources dédiées exclusivement aux pertes et dommages.

Ainsi, les principales retombées pour les pays africains lors de cette COP27 sont la reconnaissance par l’ensemble des pays de la nécessité de créer un financement pour répondre aux pertes et dommages associés aux effets néfastes du changement climatique, bien que les détails liés devront être réglés lors de la prochaine COP 28.

Le Leadership du Gabon en matière de préservation de l’environnement est reconnu à l’échelle internationale. Comment ce Leadership se décline-t-il en termes de création d’emplois localement ?

Il faut admettre que ce leadership est reconnu d’abord à cause de nos efforts de préservation et de conservation.

Des efforts traduits à travers des mesures fortes prises au niveau national par nos pères fondateurs et depuis quelques années, renforcés par Son Excellence Ali Bongo Ondimba, Président de la République, Chef de l’Etat.

Aujourd’hui notre pays fait partie des pays les plus exemplaires en matière de conservation, de préservation et de gestion durable des forêts. Il est l’un des pays, les plus positifs en carbone, en raison de la forte séquestration par ses forêts.

Reconnaissant ceci, le Gabon est un pays en voie de développement, nous nous attelons à développer de nouvelles filières comme la filière bois depuis quelques années maintenant, qui regorge plusieurs possibilités d’emplois.

Le secteur du bois, est le 2ème secteur le plus dynamique entre 2010 et 2019, après le secteur des transports, la croissance du secteur du bois est 3 fois supérieure à celle du PIB national entre 2010 et 2019, selon le Plan d’Accélération de la Transformation 2020-2023.

Aujourd’hui, effectivement, le secteur bois est le 2ème secteur le plus consommateur de main d’œuvre derrière l’agriculture représentant 16% des emplois du secteur privé en 2019, soit plus de 13000 employés. La seconde et troisième transformation du bois accélèreront la multiplication de ces emplois-là.

Dans son discours à la nation du 31 décembre 2020, le Président de la République gabonaise, S.E.M Ali Bongo Ondimba, a annoncé l’ambition de créer 50 000 nouveaux emplois dans la filière bois sur les cinq prochaines années, grâce à la transformation locale du bois.

Cette annonce s’est faite sur la base de la mise en œuvre de certaines mesures prises en amont. Selon la Banque Mondiale, la croissance du PIB a rebondi à 1,3 % en 2021, grâce à l’expansion du secteur non pétrolier, notamment l’huile de palme (120 %) et l’industrie du bois (29,8 %).

En mars dernier, GMDC, développeur du projet Grande Mayumba et filiale du groupe ACDG (The African Conservation Development Group Ltd.), et CWG (Corà Wood Gabon), filiale de Corà Italie, ont créé African Equatorial Hardwoods (AEH), un nouvel acteur de référence dans l’industrie gabonaise du bois.

Cette union alignée à la stratégie du Gabon, a une approche axée sur la création d’emplois au niveau local. En effet, l’emploi sera un des principaux bénéfices de cette fusion qui prévoit la création de 900 emplois d’ici à 2025, pour ne citer que cela à titre d’exemple.

Que préconisez-vous pour embarquer les entreprises gabonaises dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

La première chose à faire est de les sensibiliser à travers l’organisation des ateliers auxquels elles sont et seront invitées à prendre part.

Deuxièmement, les entreprises privées devraient fortement participer aux négociations climatiques pour s’enquérir de la situation, comprendre leur implication et leur rôle, et peut-être renforcer leurs partenariats en la matière.

La troisième chose est que notre pays a adopté l’année dernière une ordonnance relative aux changements climatiques. Il s’agit d’un cadre légal qui pose les fondamentaux visant à amener notre pays progressivement vers l’atteinte de ses objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques.

Cette ordonnance est en cohérence avec la nouvelle Contribution Déterminée au niveau National et six secteurs sont identifiés, comme secteurs prioritaires de réduction des émissions, parmi lesquels : l’industrie pétrolière, la foresterie, le changement dans l’affectation des terres, les procédés industriels, les déchets et l’agriculture.

L’implication de toutes les entreprises exerçant dans ces domaines est capitale, au regard de notre ambition à atteindre la neutralité carbone en 2050. À titre d’exemple concret, dans le cadre de la réalisation d’un diagnostic carbone au titre de la loi climat, tout opérateur ayant des émissions dépassant 10 000 tCO2e (tonnes équivalents CO2) sera tenu de déclarer ses émissions.  C’est pour cela, que le ciblage des secteurs a été une priorité.  Toutefois, ce ne sera que les secteurs impliquant les opérateurs les plus émetteurs qui seront concernés.

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