Dans cette interview accordée à www.gabon-rse.com , le Docteur Stephan NTIE, Conseiller Scientifique à l’Agence Nationale des Parcs Nationaux du Gabon (ANPN), présente, entre autres, la contribution de cette agence en matière d’éducation environnementale des populations riveraines des Parcs nationaux.

  1. Quelles sont les principales conséquences du réchauffement climatique sur les Parcs Nationaux du Gabon ?

Le Gabon est un pays du Bassin du Congo qui abrite une biodiversité exceptionnelle. Conscient de l’importance de protéger ce patrimoine naturel, le gouvernement gabonais a mis en place un vaste réseau d’aires protégées. En 2002, le Gabon a créé 13 parcs nationaux, couvrant environ 11 % du territoire national. En 2017, 20 aires marines protégées supplémentaires ont été créées, couvrant environ 26 % de la zone économique exclusive. En plus de ces aires protégées, l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) gère également cinq sites Ramsar (zones humides d’importance mondiale) et un arborétum (l’Arboretum Raponda Walker). Cependant, le changement climatique devient de plus en plus l’une des principales menaces pesant actuellement sur la biodiversité présente dans les aires protégées du Gabon. Ainsi, une étude menée au Parc National de la Lopé a montré que les arbres commencent à fleurir et à fructifier plus tôt dans l’année et que les quantités de fruits ont diminué de 81 % (entre 1986-2018). Dans le même temps, une diminution de la masse corporelle des éléphants de 11 % a été observée. Cette situation est susceptible d’augmenter la compétition pour la ressource entre les animaux, mais également un conflit de plus en plus acerbe entre la faune et les communautés locales. Une autre étude de modélisation écologique menée sur les céphalophes (antilopes forestières) au Gabon et au Cameroun suggère que le changement climatique actuel pourrait également entraîner des modifications dans l’emplacement et la persistance des écotones. Les écotones sont des zones de transition environnementale (par exemple, la transition forêt-savane) où la diversité des espèces est maintenue. Or, c’est grâce au maintien de cette biodiversité que les effets du changement climatique actuel seront moins importants. La survie future des populations animales et végétales dépendra probablement non seulement de leur capacité à se déplacer vers des habitats plus appropriés, mais aussi de leur capacité à répondre aux environnements en mutation rapide. Il est donc plus que jamais urgent de mener davantage d’études sur les effets du changement climatique sur la biodiversité présente dans les aires protégées gérées par l’ANPN. Ces études permettront de mieux comprendre les risques auxquels ces écosystèmes sont confrontés et de mettre en place des mesures de conservation adaptées et efficaces.

2. Comment l’ANPN contribue-t-elle à l’éducation environnementale des populations riveraines des Parcs nationaux ?

L’ANPN un établissement public à caractère scientifique et environnemental. Sa mission est notamment de protéger la biodiversité du Gabon dans les aires protégées sous sa gestion. Pour ce faire, l’ANPN mène également des activités liées à l’éducation environnementale.

Depuis plusieurs années, l’ANPN propose un programme de classes vertes, en partenariat avec TotalEnergies. Ce programme vise à sensibiliser les élèves des écoles primaires d’Akanda, Libreville et Owendo à l’importance de la biodiversité. Les classes vertes se déroulent sur deux sites : l’Arboretum Raponda Walker et le Musée National. Les élèves sont encadrés par des écoguides de l’ANPN. Plus spécifiquement, les élèves sont amenés à mieux comprendre ce qu’ils étudient en classe par des mises en situation sur le terrain où ils découvrent autrement la faune et la flore du Gabon. Ils apprennent aussi à protéger leur environnement.

L’ANPN est également en partenariat avec l’IRD, WCS, le Ministère en charge des Eaux et Forêts, l’USTM, l’UOB et plusieurs universités françaises et américaines dans le cadre de l’école de terrain ECOTROP. Ce programme de formation est destiné aux étudiants et aux professionnels africains et occidentaux. Il se déroule en Afrique centrale, au Gabon et au Cameroun, depuis 2011. ECOTROP vise à fournir aux apprenants des connaissances et des compétences dans divers domaines liés à l’environnement. Ces domaines comprennent l’étude, la gestion et la conservation de la biodiversité, la géologie, la géographie, l’archéologie et les sciences humaines et sociales. Au Gabon, ECOTROP se déroule chaque année sur deux sites : Libreville et Lastourville.

L’ANPN s’engage ainsi à sensibiliser les populations riveraines des aires protégées qu’elle gere à l’importance de la biodiversité. Les programmes de classes vertes et ECOTROP sont des exemples concrets de cet engagement. Ces programmes contribuent à la protection de l’environnement et à la formation des générations futures.

3. Que préconisez-vous pour embarquer les entreprises dans la restauration des écosystèmes stockant du « carbone bleu » tels que les mangroves ?

Le Gabon a encore de nombreuses mangroves qui jouent un rôle essentiel dans la protection du littoral et de la biodiversité. Ces forêts de palétuviers se trouvent principalement dans l’Estuaire du Gabon (43%), où elles constituent un écosystème unique et fragile. Les mangroves du Gabon sont menacées par des activités humaines telles que la déforestation, la transformation en zones d’habitations urbaines, et la transgression des côtes due à l’élévation du niveau de la mer. La perte annuelle moyenne de mangroves au Gabon se situe entre 0,5 % et 2,7 %, des taux supérieurs à la moyenne mondiale (0,13 % par an). Si rien n’est fait pour stopper cette destruction, d’importantes quantités de carbone auparavant stockées risquent d’être libérées dans l’atmosphère, contribuant considérablement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le Gabon a ainsi le potentiel de devenir un leader mondial de la conservation des mangroves. Pour cela, il doit prendre des mesures urgentes pour stopper la déforestation des mangroves et les restaurer là où elles ont été détruites. Au niveau de l’ANPN, il s’agira de :

  • Renforcer le matériel des agents sur le terrain, notamment en leur fournissant des bateaux, des voitures, des récepteurs GPS et des pièges photographiques.
  • Intensifier les patrouilles des écogardes dans les aires protégées qui comportent des mangroves (par exemple, Pongara et Akanda) ;
  • Mettre en place un programme scientifique pour améliorer la connaissance (cartographie, tourbières, stock de carbone, biodiversité, services écosystémiques, …) et suivi de l’évolution de l’état de santé de cet écosystème.
  • Procéder au reboisement des mangroves détruites ;
  • Sensibiliser les communautés riveraines des aires protégées gérées par l’ANPN à l’importance de la conservation des mangroves.

Ces actions permettront de protéger ce patrimoine naturel exceptionnel et de lutter contre le changement climatique.

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